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Une troisième partie, MétaMoRpHOse

se compose de deux séries de photographies,
nous offre une galerie de portraits du début du siècle dernier
que l’artiste transforme à l’aide d’effets graphiques.

  • Une première série « Origine » s’apprécie avec des lunettes en reliefe anaglyphes. Là encore, couleur et jeux géométriques sont choisis avec subtilité pour donner du sens : rose, émeraude, bleu, jaune… droites parallèles, lignes courbes, pointillés, étoiles, lettres de l’alphabet ou d’un mot (Paris)… Les caractères manuscrits empruntés à des cartes postales envoyées par des correspondants du siècle dernier à leurs contemporains, les visages coupés, comme dupliqués par des miroirs, accentuent l’illusion du souvenir, l’impression du temps qui passe, en écho aux réalisations proposées dans les deux autres parties. Si la technique du XXIème siècle crée l’illusion de profondeur et nous donne à voir autrement, cette vision du futur nous plonge dans le souvenir de ce qui fut, laisse apparaître les effets aliénants de l’automatisation et de la technologie, bouscule nos certitudes. Deux regards - avenir tel qu’on le voit du passé, passé tel qu’on le voit du futur - se superposent et font surgir la nostalgie du passé où on prenait le temps d’écrire en scripte, à l’encre, non pas des SMS mais des lettres chargées d’émotion que l’art nous remet en mémoire grâce à la technique du XXIème siècle.

  • Dans la deuxième série intitulée « idendity ou l’image élémentaire de la personne », passé et présent se télescopent à nouveau. L’artiste utilise comme point de départ, des clichés inédits en noir et blanc, pris de 1915 à 1945. En diffusant des couleurs, il donne vie aux visages du passé, figés dans une attitude neutre par les codes de la photomaton, les nimbe de perles de pluie, symbole d’un présent morose qu’il faut savoir franchir pour pénétrer dans un autre espace- temps, symbole du rideau qui s’ouvre sur l’inconnu, dévoile ou cache tel contour pour finalement nous révéler un portrait inattendu et rempli de poésie, qui s’échappe pour nous rejoindre au XXIème siècle.

Ces trois volets, s’ils s’éclairent l’un l’autre, s’ils sont complémentaires par les thèmes du souvenir, de son illusion, de la mode, de la distorsion du temps qui se dilate devant nos yeux, se rétracte, voire même s’estompe, pour ne laisser place qu’à une seule réalité, par l’époque des supports utilisés, par la mise en œuvre de procédés favorisés par la technologie contemporaine (emboîtement, superposition, inclusion, mise en abyme, utilisation d’un aspect graphique, colorisation de l’ensemble ou d’un détail), peuvent néanmoins s’apprécier séparément.

Chaque partie, véritable invitation au voyage dans le temps, nous incite à nous interroger sur les constantes ou les changements qui sont intervenus en un siècle, sur l’étonnement des hommes et des femmes de la Belle époque devant les tours gigantesques de Dubaï ou devant les « skyskraper » américains, sur la permanence des sentiments éprouvés par une femme devant son miroir, ou par un homme rêvant à une femme, sur la somme des connaissances à notre disposition. Le choix du noir et blanc, quelque peu oublié à notre époque par les photographes amateurs, mêlé à des indices de couleur (affiche de soldes, paquet de cigarettes…) facilite le passage du présent au passé, estompe les différences, fusionne passé et présent. « Ô temps, suspends ton vol ».

Dans cette quête du temps, Pierre Alivon accorde une place prédominante à la femme, citoyenne du monde. Chacune d’elle, bourgeoise élégante, femme objet, femme moderne qui peut choisir entre une mode vintage ou une mode ethnique, adepte de bijoux, de maquillage ou de tatouages, qu’elle évolue dans un monde de science –fiction, parfois indifférente, comme étrangère, parfois engagée dans un mouvement qui l’implique ou passagère dans une ville du bout du monde, trouve sa place partout, dans la cité comme devant son miroir, sur un tableau ou une affiche publicitaire, parée d’atours d’un autre âge, tatouée ou dévêtue.

Et si cet univers sorti de l’imagination de l’artiste préfigurait le monde de demain ? Et si ces femmes aux chapeaux envahissants, qui par respect de bienséance ne s’autorisaient à ne montrer qu’une infime partie de leur peau cohabitaient un jour futur avec d’autres moins pudiques sans que quiconque porte le moindre jugement ? Et si cette parisienne autrefois admirée reprenait une place enviée au sein du monde du futur ? Et si ces photos étaient une incitation à briser les barrières des lieux, du temps, des traditions et des codes ?

Une œuvre remplie de vie et d’imagination, un travail de mémoire unique, à la fois artistique et humain qui permet la réhabilitation et la conservation du patrimoine photographique du début du siècle dernier et révèle en filigrane l’apport des techniques contemporaines. Une œuvre qui insiste sur l’élan de la vie par cette spontanéité créatrice qui, imaginant un nouveau monde superposition du passé et du présent, nous invite à réfléchir sur l’universalité de l’Art.

Une œuvre qui nous invite à rêver… à demain.